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Les Carnets blancs
15 novembre 2009

carnet n°13/100 (poèmes, 1990) : transformés en avions en papier ; jetés de mon balcon

Texte publié sur mon blog en 2006

J’ai pris un premier feuillet. Je l’ai plié pour en faire un avion en papier. Je me suis rendu compte que je ne savais plus en faire. Je l’ai plié n’importe comment. Je suis allé sur le balcon. Il faisait nuit. Je l’ai lancé droit devant moi. Il n’y avait personne dans la rue. Il a piqué vers le bas. N’a même pas fait semblant de voler un peu. Il n’y avait pas de vent.

Je suis revenu dans le salon. Me suis assis dans le fauteuil club. Ai attrapé un second feuillet. J’ai essayé de m’appliquer. Mon second essai ressemblait vaguement à un avion en papier. J’étais content. Je suis retourné sur le balcon. J’ai essayé d’envoyer le second avion plus loin que le premier. Je voulais le propulser à dix mètres. De l’autre côté de la rue. Derrière le mur qui encercle l’hôpital en face de la maison. Il n’y avait toujours pas de vent. Mon avion est tombé sur le trottoir, en bas du balcon, à deux mètres du premier.

Troisième essai. J’essaye de donner à cet avion une forme plus aérodynamique que le précédent. Je prends de l’élan.

Il s’écroule dans le caniveau en faisant des tourbillons sur lui-même.

Je me résigne.

Les trois suivants ressemblent à des avions en papier, mais il ne dépassent pas le trottoir en bas de la maison. Un courant d’air frais souffle dans la rue. Les deux premiers avions glissent. Je ne les vois plus.

Deux garçons et une fille parlent fort. Il s’assoient sur un banc en face de la maison. Je n’ose pas lancer mes autres avions devant eux. J’attends. Ils parlent religion. Ils enfoncent des portes ouvertes en parlant très fort. Je m’assois dans le fauteuil club. Je prépare les quatre derniers avions. Je les dispose sur la table ronde près de la fenêtre. Une demi-heure plus tard, ils s’en vont. Je retourne sur le balcon. Je lance à tour de rôle les quatre avions. Puis je rentre me cacher. Personne ne m’a vu. Je crois.

Je me réveille dans la nuit. Il pleut. Je ferme les fenêtres. Je pense à mes avions.

Ce matin, je me réveille tard. Il ne fait pas très beau. J’apperçois un avion qui a glissé sur l’autre trottoir. Les autres ont disparu.

En début d’après-midi, je descends. A 300 mètres de la maison, dans une rue perpendiculaire, je retrouve le feuillet d’un avion. Il a été déplié. Puis jeté sur le sol.

Les Carnets blancs, Mathieu Simonet, Le Seuil, sortie le 11 février 2010 (J-88)

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